Nous vous communiquons ci-dessous le texte de notre courriel transmis ce jour à Nicolas LACROIX. Copie a été adressée au délégué territorial de l'ARS Haute-Marne, à la directrice générale de l'ARS Grand-Est, au ministre de la santé, et aux conseils de l'ordre professionnels (médecins, infirmiers, kiné, dentistes, sage-femmes).
"Monsieur LACROIX,
En ce 05 février 2023, vous avez eu l’opportunité de vous exprimer durant l'émission « Dimanche en politique » sur France 3 Champagne Ardenne, tout comme un de nos membres de l’association Egalité Santé et un représentant du PETR du Pays de Langres.
Vous proposez à chaque acteur de revenir à la table des négociations et nous serions honorés de voir cette proposition aboutir dans les tous prochains jours.
Il nous est difficile en effet d'y voir clair actuellement sur les avancées du projet, tant les retours de vos services du Conseil Départemental et de ceux de l'ARS se font rares.
Mais avant toute chose, il nous apparaît important de repréciser certains points.
Vous avez bien rappelé que la santé n'est pas une prérogative du Conseil Départemental, mais que la mobilisation des 70 millions d'euros vous a semblé nécessaire au vu de la loi 3DS.
Cette loi, adoptée il y a tout juste un an, donne la possibilité d'avoir des outils pour répondre aux attentes concrètes des élus locaux.
De ce que nous avons pu en percevoir, les élus ruraux de l'arrondissement de Langres ne souhaitent qu'une chose : avoir un système de santé fonctionnel pour l'ensemble de leur population. Vous l'avez rappelé, c'est la priorité et l'inquiétude des haut-marnaises et haut-marnais d'avoir des hôpitaux dignes de leur confiance.
Quelles sont les modalités de transport prévues pour faciliter les déplacements des patients éloignés vers ce plateau technique excentré ?
Qu'en disent également les élus de l'arrondissement Nord (Saint-Dizier) qui souffrent eux aussi d'une offre hospitalière fragilisée ?
Pour vous, ce n'est pas le projet du Président du Conseil Départemental mais le projet de l'ARS, soutenu par les 2 ministres de la santé successifs.
Qu'ont eu comme informations nos ministres pour prendre une décision engageante pour les dizaines d'années à venir ? Permettez nous de vous poser cette question, qui peut paraître désobligeante. Mais nous n'avons pas eu l'opportunité de rencontrer la directrice générale de l'ARS Grand Est malgré nos sollicitations successives. Nos travaux du COPIL, demandés en préfecture en juillet 2022, soutenus par les conseils de l'ordre professionnels, n'ont eu que peu d'écho lors de la conférence de presse du 16 décembre 2022.
Il est dommageable de nous arriver à penser que le poids politique a pris le dessus sur la parole de soignants de terrain.
Vous évoquiez les pompiers lors de votre intervention. En tant que membre du conseil d'administration du SDIS, vous n'êtes pas sans savoir que l'immense majorité des pompiers de notre département est un pompier volontaire, qui a donc un travail à côté de ses missions pompier. Pensez-vous qu'ils soient ravis de raccourcir leurs nuits ou empiéter encore davantage sur leur journée de travail pour transporter les patients sur un site excentré ?
Car ne nous leurrons pas. Si Langres garde dans le projet actuel un service d'urgences 24h/24, tous les patients n'y seront pas adressés. Quel intérêt d'y emmener un patient nécessitant une prise en charge en urgence sur le plateau technique, sous peine de lui faire perdre une chance de survie et de nécessiter un transfert secondaire en ambulance (qui arrivera dans certains cas plusieurs heures plus tard).
Le corollaire est que le service des urgences de Langres, bien qu'actuellement garanti, s'affaiblira de fait d'années en années. Par défaut d'activité, mais aussi par défaut d'attractivité pour les soignants y exerçant.
Une fermeture de ce service mettra 25% de la population à plus de 40 minutes d'un service d'urgences. Autant dire ¼ de notre population rurale bien trop loin en cas d'urgence vitale, où vous le savez, chaque minute peut compter.
Si nous vous alertons dès aujourd'hui, ce n'est pas pour agiter de vieilles peurs ou être polémistes. C'est bien parce que nous savons que ce risque est réel, et qu'il a été vécu par d'autres territoires, y compris proches de nous.
Monsieur le Président, nous savons que vos décisions sont prises après de longues réflexions et qu'il vous faut concilier les intérêts de tous lorsque vous débloquez une ligne budgétaire. La somme engagée est conséquente et nous vous remercions d'avoir accepté de mobiliser autant d'argent public pour une action qui initialement n'est pas de votre ressort.
Nous, soignants, souhaitons nous projeter vers un projet viable et non soumis aux intérêts de l'un ou l'autre. Notre intérêt n'est que celui du patient que nous soignons chaque jour dans notre cabinet ou notre service hospitalier.
Bien qu'acté (nous attendons d'ailleurs l'écrit le mentionnant, ne disposant à ce jour que de la conférence de presse de l'ARS), ce projet mérite d'être discuté et amendé tant qu'il en est encore temps.
Sinon, nous courrons le risque de pénaliser l'accès aux soins pour les dizaines d'années à venir.
Nous vous remercions pour l'attention que vous porterez à notre demande et espérons pouvoir bientôt avancer collectivement sur une voie pérenne et réaliste."